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Pourquoi se mobiliser pour des États Généraux de l’ESS ?

geralt / Pixabay

L’ESS une réponse face à la crise

A une époque où les crises économiques répétitives deviennent un mode de développement de la société mondiale en faveur d’actionnaires du capital risque et au détriment des politiques publiques et des citoyens de bon nombre de pays européens,
A une époque où l’inégalité sociale et économique ne cesse de se creuser,
A une époque où les services d’intérêt généraux sont donnés en pâture au marché faisant de notre pouvoir d’achat notre condition d’accès aux biens même fondamentaux,
A une époque où l’on nous demande de travailler plus pour que les actionnaires gagnent encore davantage,
A une époque où l’on nous invite en tant que citoyen à faire des efforts pour moins polluer alors que l’on nous pousse chaque jour à consommer davantage,
A une époque où l’on remet en cause les acquis sociaux au nom de l’efficacité économique,
A une époque où le travail devient un pilier de la précarité,
Il est certain qu’être citoyen devient de plus en plus déprimant !

Ce modèle de développement nous pousse chaque jour davantage dans une société individualiste et déshumanisée où les opérateurs économiques sont de plus en plus complexes et hermétiques aux citoyens. Réduire les hommes au rang de consommateur individuel et construire en face des opérateurs économiques de plus en plus dépersonnalisés, c’est détruire le lien social. Réduire la capacité d’agir des états à la seule sphère économique, c’est tuer le projet politique et la capacité des hommes à agir sur la société. On ne connaît plus son épicier, son banquier, son facteur, son député, on connaît juste la voix électronique d’un répondeur automatique : « pour agir taper 1 ». Est-ce comme cela que nous concevons les échanges ? Vers quel modèle de société cette économie nous conduit-elle ?

Alors face à ce modèle de développement, créateur d’inégalités sociales et d’une répartition totalement déséquilibrée des richesses, destructeur des richesses naturelles mais également de la diversité culturelle et de la capacité d’émancipation des citoyens, que pouvons nous faire ?

L’homme est un animal social, il n’y a pas de développement de l’humanité en dehors de la société. Nous sommes donc contraints au vivre ensemble. Alors qu’attendons-nous de ce vivre ensemble et sommes-nous obligés de subir l’économie imposée parce ceux qui en profitent ?

Il est intéressant de voir un certain nombre de personnalités qui ont vécu leur jeunesse dans les années sombres de la dernière guerre mondiale, se hisser sur le devant de la scène pour nous rappeler que comme eux à cette époque nous ne devons pas accepter l’inacceptable. Je pense bien sûr à « Indignez vous » de Stéphane Hessel » mais je pense également à l’initiative de Claude Alphandéry avec les États Généraux de l’ESS.

Au final que nous disent leur témoignage ? Que face à une situation qui nous échappe et nous contraint, nous avons toujours le capacité de nous indigner ; qu’il n’y a pas de devenir sans espoir d’un monde plus équitable et qu’il appartient à chacun d’entre nous de résister et de construire d’autres voies pour un avenir plus humain. Et ils sont convaincants car c’est ce qu’ils ont fait eux même en devenant d’abord des résistants puis les porteurs, à travers le programme du Conseil National de la Résistance, d’un projet de société humaniste qui a conduit l’Europe à une période de paix et de progrès social : système de la sécurité sociale, retraite par répartition…

Certes, nous ne sommes pas aujourd’hui dans un contexte de guerre et de politiques fascistes, mais nous sommes confrontés à des constats qui sont totalement inacceptables : augmentation de la précarité, privatisation des biens communs, de déstructuration des mouvements sociaux, inaccessibilité de tous aux biens fondamentaux : logement, éducation, santé, alimentation… Alors, il n’y a pas à hésiter : mobilisons nous !

Oui mais comment ?

Depuis plus d’un siècle, un mouvement socio-économique, alternatif au modèle capitalisme se construit à la marge du système. C’est ce mouvement qui a donné naissance aux mouvements coopératifs, mutualistes et associatifs constitutifs de l’économie sociale au début du 20ème siècle, puis aux mouvements autogestionnaire, communautaire et écologique après mai 68. C’est le même mouvement de pensée que l’on retrouve dans le développement des initiatives de l’économie solidaire suite au chômage de masse dans les années 1980. Irrigué par les mouvements d’éducation populaire et les acteurs du développement local, ce mouvement que l’on appelle aujourd’hui Économie Sociale et Solidaire touche tous les domaines de l’activité humaine et tous les secteurs économiques, proposant un autre modèle de développement qui remet l’économie au service d’un projet de société basé sur des valeurs de solidarité, de bien être et de développement durable.

Concrètement, c’est ce mouvement qui a permis de créer à partir de la volonté de travailleurs : la sécurité sociale, les mutuelles de prévoyance, les coopératives de consommateurs… C’est lui qui aujourd’hui contribue à maintenir une agriculture paysanne, à développer le tourisme sociale, à lutter contre les exclusions, à développer la citoyenneté, la démocratie participative. L’ESS aujourd’hui en France c’est 10 % au moins de l’activité économique, ce n’est donc pas rien. Pourtant force est de constater que l’ESS n’apparaît pas encore clairement dans le débat politique comme un projet alternatif au modèle dominant, sa capacité transformatrice n’est pas visible et l’ESS reste difficile a appréhender dans sa globalité.

C’est sur la base de ce constat que Claude Alphandéry et l’équipe du Labo de L’ESS ont eu l’idée de profiter de l’opportunité créée par la dernière crise économique pour mettre en lumière en quoi l’ESS constitue une réponse prometteuse aux enjeux soulevés par la crise et a construit les 50 propositions pour l’ESS. Mais surtout les consultations et entretiens qui ont permis l’élaboration de ce livre blanc, ont mis en évidence la conviction partagée par les acteurs rassemblés autour de ce chantier qu’ils devaient dépasser les querelles de chapelle pour agir ensemble à faire reconnaître ce qui nous rassemble : une conception différente du vivre ensemble où l’économie est remise au service d’un projet de société plus humain, plus solidaire et plus durable. C’est de cette dynamique la plus large possible des têtes de réseaux de l’ESS et de leur volonté partagée qu’est née l’initiative des États Généraux de l’ESS.

Quels sont les objectifs des états généraux ?

Les États Généraux de l’ESS sont une action nationale lancée officiellement depuis l’assemblée constitutive du 11 octobre 2010 qui a réunit environ 260 personnes. Lors de cette assemblée, malgré le décalage évident que tout le monde a pu constater entre l’ambition des états généraux et les moyens en ressources et en temps que l’on pouvait espérer, les objectifs et la méthode de travail ont été débattus et validés.

Trois objectifs :

  • Informer et sensibiliser les citoyens par une campagne citoyenne valorisant les initiatives de l’ESS en montrant qu’il y a une autre façon de faire société ensemble : produire et consommer autrement, entreprendre autrement, financer autrement, pour une société solidaire et respectueuse de notre planète. Le développement durable trop souvent récupéré par l’économie libérale, s’appuie sur trois piliers indissociables : l’économie, le social et l’environnement. L’ESS est la seule à pouvoir porter cette approche systémique. Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire est une alternative peu connue de la société civile, voire même des initiatives citoyennes. Souvent réduite à une économie de réparation et d’assistance, elle doit montrer avec conviction qu’elle constitue un projet crédible de transformation de la société et une alternative à l’économie libérale.
  • Contribuer à la construction d’un mouvement de l’ESS par le partage de valeurs, d’engagements et de pratiques communes. Définir ce qui nous rassemble et ce qui nous sépare, en débattre sereinement par des rencontres et des échanges constructifs. L’ESS ne peut se réduire à une identité statutaire (association, mutuelle, coopérative, fondation). Certes ces formes d’organisation favorisent la gouvernance démocratique. Elles limitent les profits individuels et les disparités entre salaires. Mais leur objet social est tout aussi important : réinsérer dans le monde du travail des personnes en difficulté, renforcer la cohésion sociale, produire des services à en faveur des publics défavorisés, œuvrer pour une agriculture écologique, développer la consommation responsable, contribuer à plus de solidarité dans les territoires…C’est aussi soutenir les circuits courts, relocaliser l’économie, créer des partenariats entre producteurs et consommateurs, développer la citoyenneté économique, développer les activités économiques non marchandes. Les structures de l’ESS doivent mettre en pratique les valeurs auxquelles elles se réfèrent : la solidarité, le développement durable, la gouvernance démocratique, la transparence, la réciprocité … En ce sens l’ESS est un processus dynamique que les structures s’approprient à travers une démarche de progrès. Les états généraux peuvent être une étape importante dans ce processus de construction.
  • Influer sur les décideurs : c’est influer sur les pouvoirs publics, l’état et les collectivités locales ; mais aussi faire en sorte que nos propositions fassent débat dans le cadre des prochaines élections présidentielles ; accroître la représentativité dans les différentes instances ; mettre en place des dispositifs de financement efficaces, promouvoir l’entrepreneuriat solidaire, développer la citoyenneté économique notamment par l’éducation populaire….

Une méthode de travail transversale :

Croiser le travail déjà organisé au niveau national dans les approches sectorielles : consommation responsable, entreprenariat social, finances solidaires, insertion par l’activité économiques, services aux personnes, culture, accès aux droit, éducation, systèmes d’échange libre, … et un travail de consultations territoriales à l’initiative des têtes de réseaux locales : CRESS, collectifs d’acteurs territoriaux du MES, Collectivités locales adhérentes du RTES… Organiser la remontée des contributions issue des groupes thématiques nationaux et territoriales grâce à un outil commun à tous les cahiers d’espérances.

Un calendrier serré :

Entre janvier et mai 2011 : organisation des consultations et élaboration des cahiers d’espérances par thématiques et sur les territoires. En juin 2011 : organisation d’une rencontre nationale des états généraux de l’ESS à Paris au Palais Brongniart qui n’est pas un aboutissement mais au contraire le lancement d’une campagne de mobilisation du grand public et de concertation avec les politiques pour préparer les élections de 2012.

Pourquoi se mobiliser autour des États Généraux de l’ESS ?

D’abord parce que la dynamique collective qui se construit autour des États Généraux est une opportunité que nous devons tous saisir : enfin l’occasion nous est donnée de démontrer que derrière la multitude des approches et des initiatives, se développe une même logique et un modèle construit sur des valeurs partagées. Cette convergence des mouvements est une opportunité de démontrer ce qui nous unis autour d’un projet mobilisateur.

Ensuite parce que c’est une occasion unique pour démontrer par la force de la preuve que l’ESS ne constitue pas qu’une forme de réparation des dégâts du libéralisme mais qu’elle propose une transformation de notre manière de concevoir les échanges économiques : une autre manière de compter ce qui fait richesse et de repenser la répartition des richesses, la préservation des ressources, la solidarité entre les générations, la manière d’entreprendre, le travail, la participation, de ré-encastrer l’économie dans le vivre ensemble, de relocaliser l’économie dans nos territoires de vie du local au global.

Parce que les états généraux de l’ESS, même s’ils peuvent apparaître comme une initiative imposée par le haut, répondent d’abord aux besoins des acteurs de terrain de pérenniser leur initiatives et d’inscrire leurs actions dans un projet global. Nous avons tous besoin de redonner du sens et de la cohérence entre nos engagements. Participer à une Amap, épargner dans une cigale, s’investir dans une association en tant que bénévole, choisir de devenir mutualiste, consommer responsable… Comment faire entendre que par nos actions nous contribuons à changer de modèle et qu’il y a des points communs entre toutes ses formes d’engagements ?

Parce que nous souffrons tous du manque de mobilisation et de la difficulté à toucher le plus grand nombre, à sortir de l’entre-soi, s’impliquer dans les états généraux c’est se donner collectivement les moyens de parler au plus grand nombre et de montrer qu’on est déjà nombreux.

Enfin parce qu’à travers les états généraux l’occasion nous est donnée d’agir collectivement pour promouvoir un modèle global et cohérent auprès des partis politiques, de construire un mouvement social capable d’intervenir collectivement dans une concertation et la co-construction de politique publique avec les pouvoirs publics.

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